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L’énergie nucléaire : une chance pour la France


L’Humanité consomme de plus en plus d’énergie pour deux raisons. La première est liée à l’augmentation de la population mondiale : il y a environ 200 000 habitants de plus sur la planète chaque jour. La seconde vient de l’augmentation du niveau de vie des personnes qui n’ont pas encore accès, pour des raisons économiques, à une quantité d’énergie suffisante pour satisfaire leurs besoins élémentaires.

On voit l’influence de ces deux paramètres en examinant ce qui s’est passé au cours des deux siècles derniers. Entre 1800 et 1900, la population mondiale est passée de 1 à 1,7 milliard d’habitants mais la consommation d’énergie a été multipliée par 5. Entre 1900 et 2000, la population a été multipliée par 3,5 et la consommation d’énergie par 10. Nous sommes de plus en plus nombreux sur la planète avec des besoins énergétiques bien supérieurs à ceux de nos ancêtres. En 2 siècles, la population française a été multipliée par 2 et la consommation d’énergie de la France par un facteur proche de 30.

Un accès facile à l’énergie permet d’améliorer le niveau de vie des gens et une des conséquences est l’augmentation de l’espérance de vie. En France, cette dernière est passée de moins de 30 ans avant la révolution française, à 50 ans en 1900. Elle dépasse maintenant 80 ans. Par contre, l’espérance de vie des populations les plus pauvres de la planète est aujourd’hui inférieure à 40 ans.

L’énergie est bon marché

L’énergie abondante et pas chère a permis le développement économique fulgurant observé depuis 2 siècles car tout progrès et réalisation humaine demandent de l’énergie. Or l’énergie est peu chère. Avec 10 centimes d’€ on peut acheter environ 1 kWh d’électricité : cela représente la quantité de travail que peuvent fournir 2 bûcherons dans une journée. Une famille française consomme en moyenne 3 500 kWh d’électricité par an hors chauffage électrique. Le coût de production est, en France, d’une centaine d’€ et la famille paye de l’ordre de 350 euros dans l’année pour cette consommation. Si l’on produisait cette électricité grâce à la force musculaire de personnes rétribuées au SMIC (avec des vélos couplés à une dynamo, par exemple) il en coûterait de l’ordre de 750 000 € de salaire annuel et la production devrait être assurée 24 heures sur 24.

La domination des combustibles fossiles

La consommation énergétique mondiale est dominée par les combustibles fossiles que sont le pétrole, le gaz naturel et le charbon. Les trois réunis représentent environ 80% de ce que consomme l’humanité pour ses besoins. La consommation énergétique mondiale est donc dominée par les combustibles fossiles.

Malgré cela nous sommes de gros consommateurs d’énergies renouvelables. Nous consommons aujourd’hui environ 6 fois plus d’énergies renouvelables (essentiellement de la biomasse, des déchets organiques et de l’électricité d’origine hydraulique) qu’il y a 2 siècles. Les énergies renouvelables sont la source principale d’énergie environ 3 fois plus d’habitants qu’il y a 2 siècles. Les combustibles fossiles ont complété mais pas remplacé les énergies renouvelables : notre appétit énergétique est bien supérieur à celui de nos ancêtres !

En 1925, la France se contentait d’un peu moins de 10 TWh d’électricité (1 TWh = 1 milliard de kWh) ; en 1950 elle consommait près de 30 TWh. En 2005 cette consommation dépassait les 480 TWh. Cette importante croissance s’est traduite par une forte augmentation du niveau de vie des français. En 2005, la France produisait presque 60 TWh grâce à l’énergie hydraulique. Si notre pays avait gardé son niveau de vie des années 50, l’hydraulique suffirait à tous nos besoins électriques et nous pourrions même exporter de l’électricité. Nous n’aurions pas besoin de centrales nucléaires ni d’autres sources d’énergie pour produire de d’électricité. Mais qui voudrait revenir aux conditions de vie des années 50 ?

Grâce à ses réserves, le charbon est le combustible d’avenir mais il est très polluant. Le solaire est l’énergie de l’avenir puisque l’on reçoit de notre étoile 10 000 fois plus d’énergie que nous en consommons. Néanmoins il faudra attendre de nouvelles technologies qui permettront d’exploiter à bas coût cette énergie ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. La biomasse est importante pour le futur car ce sera la seule source de carbone organique pour la chimie lorsque le pétrole et le gaz naturel seront rares. Enfin la biomasse marine sera peut être demain une source de pétrole synthétique irremplaçable.

Le défi énergétique

Il faut aujourd’hui tenir compte de deux nouvelles contraintes dans le domaine énergétique. La première est liée aux émissions de gaz carbonique dans l’atmosphère lorsque nous utilisons les combustibles fossiles. L’humanité émet en effet deux fois plus de gaz carbonique que ce que la nature peut absorber : on augmente donc l’effet de serre naturel ce qui a un impact sur le climat. La seconde contrainte vient de ce que les combustibles fossiles sont en quantité finie sur notre planète. Pour le pétrole, par exemple, nous avons consommé environ la moitié des réserves initiales. Le pétrole sera le premier combustible fossile a s’épuiser, le gaz naturel suivra et le charbon sera le dernier avec des réserves qui peuvent être de plusieurs siècles. Pour la France il y a une troisième contrainte liée à sa balance des paiements. En 2011, par exemple, le déficit commercial était de 69,6 milliards d’€ dont 61,4 milliards provenaient de l’importation de combustibles fossiles. Une baisse du prix du pétrole fait baisser ce déficit mais ce n’est que provisoire car ce prix remontera très probablement dans le futur.

Le défi énergétique auquel nous sommes confrontés a 2 volets. Le premier est de réduire les émissions de gaz carbonique. Il y a 2 voies pour cela. La première, prioritaire, sont la sobriété et l’efficacité énergétique car le kWh le moins cher et le moins polluant est celui qui n’a pas été produit. La seconde voie est d’utiliser plus largement les sources d’énergies qui n’émettent pas de gaz carbonique : ce sont les énergies renouvelables et le nucléaire. Le second volet consiste à progressivement réduire notre consommation en combustibles fossiles en les remplaçant, lorsque c’est possible, par des sources d’énergie faiblement émettrices en gaz à effet de serre. Réduire la consommation de combustibles fossiles permet aussi de réduire le déficit commercial.

Énergie nucléaire : un concentré d’énergie

La caractéristique principale de l’énergie nucléaire est qu’elle est concentrée : 1 g de pétrole contient 30 000 fois plus d’énergie que 1g d’eau tombant d’une hauteur de 100 m ; mais il peut libérer 2 millions de fois moins d’énergie que 1g de matière fissile. Comme l’énergie nucléaire est concentrée, le volume des déchets générés est très faible si bien qu’on peut envisager de les stocker. Des solutions scientifiques, qui s’améliorent sans cesse, existent déjà mais la décision politique reste à prendre.

On peut libérer de l’énergie en cassant certains noyaux lourds, comme l’isotope 235 de l’uranium : c’est le phénomène de fission exploité dans les réacteurs nucléaires actuels qui fournissent presque 80% de l’électricité française. On peut libérer encore plus d’énergie lors de la fusion de deux noyaux légers comme le deutérium et le tritium, deux isotopes de l’hydrogène. La fusion thermonucléaire sera un jour une source d’énergie pour l’humanité mais on est encore loin du but. Des recherches internationales sont en cours et le réacteur ITER, en construction près d’Aix en Provence, est une étape dans ce sens. Si tout va bien on pourrait domestiquer la fusion thermonucléaire pour produire de l’électricité d’ici la fin du siècle mais plus probablement au début du suivant.

Ce n’est pas l’Homme qui a fait fonctionner les premiers réacteurs nucléaires mais la nature. Cela s’est passé il y a environ 2 milliards d’années, à une époque où il n’existait que des organismes vivants rudimentaires. Sur le site d’Oklo, en Afrique, on a découvert les vestiges de près d’une vingtaine de réacteurs nucléaires naturels ayant démarré spontanément. Ce phénomène exceptionnel s’est produit car l’uranium naturel de cette époque était plus riche en isotope 235 que celui d’aujourd’hui. En effet, ce dernier isotope vit en moyenne 6 fois moins longtemps que le second isotope présent dans l’uranium naturel : l’uranium 238. L’uranium naturel de cette époque était donc semblable, en concentration isotopique, au combustible qu’utilise EDF aujourd’hui dans les réacteurs. À grande profondeur, dans un milieu saturé en eau, on avait des conditions analogues à celles des réacteurs à eau sous pression utilisés en France. Ces réacteurs naturels ont fonctionné pendant des centaines de milliers d’années à faible puissance avant de s’arrêter faute de combustible. On a vérifié que les déchets nucléaires produits, à même le sol, sont restés sur place. C’est donc un retour d’expérience intéressant pour les projets de stockage des déchets nucléaires.

L’énergie nucléaire

De la même manière que tous les pays ne sont pas capables de fabriquer des microprocesseurs, tous les pays ne sont pas capables de construire des réacteurs nucléaires. Développer une industrie nucléaire est complexe et demande un niveau technologique que seuls certains pays possèdent ; c’est le cas de la France. Dans un système libéral où des actionnaires veulent rapidement gagner de l’argent, le nucléaire n’est pas une bonne solution. En effet, il demande de gros investissements initiaux, il a des opposants et le retour sur investissement demande du temps. Pour avoir des profits rapides il vaut mieux développer des centrales au gaz naturel ou au charbon. L’investissement est plus faible et on peut construire des centrales plus petites. Le prix du gaz représentant une grande part du prix du kWh produit (une multiplication par 10 du prix du gaz multiplie par 7 le prix du kWh électrique), le chiffre d’affaire augmente avec le prix du gaz et les bénéfices, qui sont proportionnels, aussi. On ne développe le nucléaire que si l’on a une vision à long terme avec comme objectif un prix de l’électricité bas et stable dans le temps, pour le citoyen et l’industrie, tout en étant rentable. C’est ce qu’a choisi la France mais aussi des industriels ayant une activité pérenne, comme les papetiers finlandais.

L’énergie nucléaire permet de produire de l’électricité à un coût compétitif et stable dans le temps car le prix de l’uranium naturel est une faible part du prix du kWh. Si le prix de l’uranium est multiplié par 10, le prix du kWh n’augmente que de 40%.

La production d’électricité nucléaire ne produit pas de gaz carbonique en fonctionnement. On en génère un peu lors de la construction des centrales, des transports, du retraitement des combustibles, etc. mais c’est au total négligeable comparé à ce qui est émis par une centrale utilisant des combustibles fossiles. Le parc nucléaire français évite ainsi d’émettre 3,3 tonnes de gaz carbonique par habitant et par an par rapport à ce qui est émis avec des centrales au gaz et 7,5 tonnes par an si c’était des centrales au charbon. À titre de comparaison une voiture parcourant 15 000 km émet environ 3 tonnes de gaz carbonique.

La valeur  ajoutée se fait en France : cela correspond à environ 200 000 emplois. Si la France avait choisit, dans les années 70, de produire l’essentiel de son électricité avec des combustibles fossiles il faudrait, pour alimenter ces centrales, en prenant comme base un baril de pétrole à 80$, consacrer environ 1 000 € par habitant et par an pour acheter les combustibles fossiles nécessaires (en faisant une règle de trois on peut calculer ce que cela coûterait en fonction du prix du baril). Ramené au niveau de la France cela correspond à 60 milliards d’€, ce qui est l’ordre de grandeur du budget de l’éducation nationale. Pour pouvoir se permettre cela il faudrait 60 milliards d’€ d’exportations supplémentaires pour compenser ces dépenses d’importation ; un objectif difficile à atteindre. À ceci s’ajoute le problème de la sécurité énergétique : il est facile de stocker sur le sol national suffisamment d’uranium pour alimenter les réacteurs pendant des années ce qui donne le temps pour résoudre des crises d’approvisionnement alors qu’il est difficile d’avoir un stock de pétrole permettant de tenir plus de quelques mois.

Si l’on voulait remplacer le parc nucléaire par des centrales à gaz naturel, par exemple, il faudrait un budget d’environ 75 milliards d’€ pour les construire et une soixantaine de milliards d’€ par an d’importations pour les faire fonctionner. C’est bien au-delà des moyens financiers de la France. Les nouvelles énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire photovoltaïque sont intermittentes et nécessitent d’avoir en même temps des centrales à gaz pour fournir de l’électricité quand il n’y a pas de vent ou pas de soleil. Les investissements sont encore bien supérieurs et, pour le solaire, l’électricité serait environ dix fois plus chère. Dans le contexte économique actuel, ce serait insupportable pour le consommateur.

Le choix du nucléaire est un choix de société. Changer de source d’énergie est toujours possible mais il faut en avoir les moyens financiers ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Le nucléaire du futur

Les réacteurs nucléaires actuels, que l’on qualifie de « réacteurs à neutrons lents », utilisent principalement de l’uranium 235 pour produire de la chaleur, donc de l’électricité. Cet isotope est présent à 0,7% dans l’uranium naturel. L’autre isotope, l’uranium 238, présent à 99,3%, n’est pas brûlé mais il peut être valorisé avec une nouvelle technologie de réacteurs : les « réacteurs à neutrons rapides ». Superphénix était un prototype de cette technologie et le CEA travaille activement dans ce domaine pour préparer les réacteurs du futur. D’autres pays travaillent aussi sur ce sujet avec beaucoup moins de contraintes qu’en France et occuperont demain une place importante dans le marché mondial. Les réacteurs à neutrons rapides ne seront économiquement intéressants que dans la seconde moitié du siècle car le prix de l’uranium naturel est une faible part du prix du kWh électrique.

Tous les réacteurs actuels produisant de l’électricité sont des « réacteurs à neutrons lents » même s’ils peuvent être de conception différente. Les réserves d’uranium, avec cette technologie, ne sont que l’ordre de un à deux siècles. Les « réacteurs à neutrons rapides » valorisent mieux l’uranium. Ainsi, le combustible nécessaire pour faire fonctionner un réacteur actuel pendant 40 ans pourrait, s’il était utilisé dans des réacteurs rapides, fournir de l’énergie pour 4 000 ou 5 000 ans. Les réserves ne se chiffrent alors plus en siècles mais en dizaines de milliers d’années. Elles pourront être prolongées quand on utilisera plus tard des réacteurs fonctionnant avec du thorium qui est environ 3 fois plus abondant dans la croûte terrestre que l’uranium.

Sûreté et sécurité avant tout

Quel que soit le mode de production d’énergie, il y a des risques humains et environnementaux. Le charbon a fait plus de 25 000 morts entre 1969 et 2000 et l’hydraulique près de 30 000 morts. Les risques sont d’autant plus importants que les moyens de production sont nombreux et puissants. Le nucléaire est une source d’énergie très surveillée et c’est très bien ainsi. Le moindre incident, même banal et sans conséquence, est signalé et répertorié ce qui permet d’améliorer constamment le fonctionnement des réacteurs. Mais le risque zéro n’existe pas et il y a parfois des accidents sérieux ou majeurs. C’est arrivé en 1979 aux USA à Three Mile Island, à Tchernobyl en 1986 en Ukraine et cplus récemment à Fukushima au Japon. L’accident de Tchernobyl est un peu particulier car il concerne une filière de réacteurs, heureusement peu nombreux, qui peuvent avoir des instabilités dans certaines conditions. De plus certains dispositifs de sécurité avaient été volontairement mis hors service.

Chaque accident permet de tirer des leçons et d’améliorer la sûreté. L’objectif majeur est de contenir la radioactivité à l’intérieur de l’enceinte pour protéger les populations environnantes. Le concept de « défense en profondeur », qui n’existait pas à Tchernobyl, est largement utilisé dans les pays occidentaux. Il consiste à avoir des barrières successives permettant d’isoler le combustible et les produits radioactifs du milieu extérieur. L’accident de Fukushima, où les réacteurs étaient d’une technologie différente de celle que l’on a en France et situés dans une région sismique beaucoup plus forte que ce qui existe chez nous, va permettre d’améliorer encore la sécurité des centrales. C’est le tsunami, en privant d’électricité l’alimentation électrique de secours, qui a conduit à l’accident et non le séisme auquel les réacteurs ont résisté. Il faudra dans l’avenir prendre en compte la possibilité d’une coupure totale de courant et sans doute développer certains systèmes de sécurité passifs.

Conclusion

Notre monde évolue et il faut s’adapter. On s’adapte d’autant plus facilement qu’on anticipe les changements et qu’on a du temps pour le faire. En matière énergétique on est sûr que le prix de l’énergie va progressivement augmenter. Il va en être de même pour certaines matières premières indispensables au développement de l’industrie. Pour s’adapter à cette évolution, et répondre au défi énergétique auquel nous sommes confrontés, nous aurons besoin de plus d’électricité. En effet, pour être sobre et efficace, l’utilisation des pompes à chaleur va se développer car elles permettent de produire 3 à 4 kWh de chaleur, ou 2 à 3 kWh de froid, tout en ne consommant que 1 kWh d’électricité, la différence étant prise au milieu environnant (air, eau ou sol), donc gratuit. Nous aurons aussi besoin de plus d’électricité pour recharger les batteries des véhicules hybrides rechargeables ou électriques qui vont se développer.

Comme le pétrole conventionnel va devenir progressivement plus rare, nous risquons de ne pas pouvoir couvrir tous nos besoins énergétiques. C’est la raison pour laquelle il ne faut négliger aucune source d’énergie : elles ont toutes leur place dans le bilan énergétique. Chacune doit être utilisée pour les applications où elle est le plus efficace. L’énergie nucléaire est une de ces sources qu’il faut continuer à exploiter, dans les meilleures conditions possibles. Dans le contexte économique actuel il serait suicidaire pour la France d’abandonner une filière qui apporte au pays beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients. Il est par contre important de veiller à ce que son exploitation soit faite dans les meilleures conditions de sûreté et de sécurité possibles.

Avec les technologies actuelles nous ne sommes pas capables de répondre complètement au défi énergétique auquel nous sommes confrontés. Seule la recherche et l’innovation permettront de le faire aussi est-il important d’investir dans le domaine de la recherche pour trouver de nouvelles solutions et réduire notre dépendance vis-à-vis de technologies qui pourraient être découvertes ailleurs.